Accident du travail : quelles sont les conditions pour engager la personne morale ?

publiée par PREVALRISK le 06-10-2017



L'organe ou le représentant dont il est question à l'article 121-2 du code pénal est celui qui était en fonction au moment des faits et non au moment des poursuites.


Dans le cadre de travaux de terrassement d’une fosse, le conducteur d’une mini pelleteuse à chenilles a effectué une marche arrière, entre deux piliers, et a roulé sur le pied gauche d'un ouvrier chargé de ranger le remblais à la pelle. Ce dernier a subi une incapacité de travail de trois mois. L'accident s'expliquait par l'impossibilité qu'il y avait eu d’avertir la victime du danger et de la faire réagir avant qu’elle ne soit percutée, et cela, du fait, entre autres, que l’avertisseur sonore de recul ainsi que les feux de l'engin ne fonctionnaient pas. Pouvait donc être retenue une violation des articles L 4321-1 et R 4324-16 du code du travail.

Selon l'article R 4324-16 du code du travail, "un équipement de travail comporte les avertissements, signalisations et dispositifs d'alerte indispensables pour assurer la sécurité des travailleurs.Ces avertissements, signalisations et dispositifs d'alerte sont choisis et disposés de façon à être perçus et compris facilement, sans ambiguïté".


Dysfonctionnement de l'avertisseur sonore

Il apparaît que le conducteur de la pelleteuse avait constaté le dysfonctionnement de l’avertisseur sonore et des feux de recul quelques jours avant l’accident, mais n’en avait informé ni le chef d’équipe ni le chef de chantier. Poursuivie pour infraction à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, la société est condamnée en première instance et en appel. Il lui est reproché de ne pas avoir mis à la disposition de ses salariés un équipement de travail permettant de préserver leur sécurité. Mais la décision est cassée par la chambre criminelle pour une mauvaise application, par les juges du fond, de l'article 121-2 du code pénal, notamment en ce qui concerne la condition tenant à une infraction commise par un organe ou représentant. Les juges du fond avaient imputé la faute à l'actuel gérant de la société et aussi, semble-t-il, au chef de chantier. Mais, pour l'un et l'autre, un problème se posait.

Selon l'article 121-2 du code pénal, "Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants [...].La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3".


Changement de gérant entre-temps

Il n'est pas suffisant pour condamner une personne morale de se référer à son gérant actuel. La loi vise l'organe ou le représentant auteur des faits. Et ce sont deux choses différentes, dans la mesure où il peut y avoir eu un changement de dirigeant, et, si celui actuellement en place n'était pas en fonction le jour où l'infraction a été réalisée, il ne remplit pas la condition permettant d'engager la responsabilité de la société. Un tel changement avait eu lieu en l'espèce, et le dirigeant en fonction au moment des faits n'avait pas été mis en cause, la cour d'appel ayant imputé la faute au gérant actuel, celui qui était en place au moment des poursuites. C'est ce que relève la Cour de cassation dans un arrêt du 11 juillet 2017 en soulignant que le gérant actuel ne pouvait donc pas avoir commis l’infraction pour le compte de la personne morale.

Quant au chef de chantier, il n'était pas démontré par les juges qu'il était titulaire d'une délégation de pouvoirs. Il ne remplissait donc pas la condition pour se voir reconnaître la qualité de représentant et engager la responsabilité de la société.